Le Libertaire (1917-1956) > Catalogue des articles > 15 novembre 1946

Critiques littéraires

Article, signé G.C., paru dans Le Libertaire du 13 novembre 1946, reproduit in Georges Brassens, Œuvres complètes. Chansons, poèmes, romans, préfaces, écrits libertaires, correspondance, Paris, Le Cherche Midi, 2007, p. 1074.

Rien ne nous aura été épargné.

En 1944 nous avons supporté (avec peine d’ailleurs), le fantastique paradoxe des policiers libérateurs.

Comme s’il pouvait être possible en ce bas monde, d’œuvrer en même temps pour la libération de ses semblables et leur internement.

Ce n’était déjà pas si mal.

Mais on a trouvé mieux depuis.

Dans la ville de Bucarest, la célèbre pièce théâtrale du regretté Jean Giraudoux a été jugée immorale par le public.

Jusque-là rien qui sorte de l’ordre courant.

Le public ne brille pas toujours par sa compréhension.

Mais voilà que soudain on apprend que ce sont les policiers de la capitale de Roumanie qui ont été chargés de juger si la pièce était présentable ou non.

On aura tout vu, c’est le cas de le dire.

Les policiers critiques littéraires !

Heureusement que Jean Giraudoux n’est plus.

Il serait parti d’un tel éclat de rire que la flicaille de l’univers eût été écrasée.

Ce qui bien entendu aurait fait notre affaire, mais pas celle des braves bougres choqués par notre penchant à nous réjouir toutes les fois que la mort anéantit une de ces charognes.


Georges Brassens