Manifeste de la Fédération Anarchiste (1919)

A l’heure où, dans tous les partis politiques, se dessine un certain flottement, déterminant une rectification, un remaniement théorique des diverses tendances, les anarchistes se doivent d’apporter également leur point de vue, qu’ils ne feront que confirmer, en vertu de son invariabilité, partant exempt de tout confusionnisme.

Partisans d’une transformation sociale, nous basons notre conception d’une nouvelle société sur l’autonomie absolue de l’individu, sur la libre entente, sur la libre organisation des travailleurs, manuels et intellectuels.

Trop longtemps on a reproché aux anarchistes de n’être que des destructeurs, des démolisseurs.

Destructeurs, certes, nous le sommes.

Nous voulons renverser la société actuelle, bourgeoise et capitaliste, non pas pour vivre sans organisation, mais pour lui substituer une société plus en harmonie avec la civilisation.

Rejetant tout autoritarisme, sous quelque forme qu’il se présente : dictature, parlementarisme, communisme autoritaire, les anarchistes, sans vouloir préjuger ce que sera la société de demain : car il convient d’être d’une prudence extrême, sachant pertinemment que l’Anarchie intégrale supposant, pour être vécue, des hommes plus parfaits que nous le sommes, nous pensons, et ce serait là notre besogne de reconstruction, qu’au lendemain d’une révolution victorieuse ce pourrait être des groupements d’affinités qui présideraient à la vie morale, artistique, intellectuelle. Ce pourrait être des associations de producteurs, des organisations ouvrières, des associations d’usines, de chantiers, etc. qui auraient charge d’organiser et de régulariser la production, d’en régler les méthodes.

Nous voulons fonder une société dans laquelle chaque être humain pourra consommer selon ses besoins et produire selon ses forces.

Les anarchistes sont donc partisans de l’appropriation communiste du sol, du sous-sol, des instruments de production et des objets de consommation, en vue d’assurer le développement physique de tous et de chacun sur le terrain de la libre association.

Comme la valeur d’une société dépend de la valeur personnelle des individus qui la composent, les anarchistes estiment que, dans l’intérêt de tous comme celui de chacun, tout individu doit chercher à se développer intégralement : physiquement, intellectuellement et moralement.

Nous sommes donc individualistes et communistes à la fois.

Et pour concrétiser nos conceptions, nous concluerons par ces mots qui englobent, expriment toutes nos aspirations. Les anarchistes veulent instaurer un milieu social assurant à chaque individu toute la somme de bonheur adéquate à toute époque au développement progressif de l’humanité.

Texte publié dans Le Libertaire n°30, 10 août 1919.