L’Union anarchiste semble avoir moins besoin de structures plus rigides que d’une cohérence idéologique. En voulant attirer à elle les anarchistes de tous bords elle s’est interdit de définir une ligne politique précise, ce qui ne satisfait presque personne. Déjà de nombreux individualistes ont choisi de quitter l’équipe du Libertaire. Mais leur départ n’a rien résolu.
Avant même l’introduction des thèses plateformistes en France, on sentait déjà chez certains militants de l’Union anarchiste une pointe d’exaspération sur la question de l’organisation. Un article de Georges Bastien du 2 octobre 1925 intitulé « Il faut parler net », ouvre le feu. C’est une attaque en règle contre ceux qui craignent une organisation structurée et autoritaire. Pour Bastien « seules les solutions sociales et non individuelles sont capables d’aboutir à quelque chose de réel ». [1]
L’exemple de Georges Bastien est particulièrement significatif : ce secrétaire du syndicat du textile d’Amiens et directeur de l’hebdomadaire Germinal, était selon le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, « l’âme des anarchistes d’Amiens » [2]. Il fait partie, le 17 septembre 1920, des fondateurs de la Fédération communiste libertaire du Nord. Fervent défenseur de la Révolution russe, partisan d’un front commun entre anarchistes et communistes, Georges Bastien est élu au congrès du 10 avril 1921, secrétaire adjoint de l’Union departementale C.G.T. de la Somme. Mais l’écrasement de la Commune de Cronstadt freine son évolution, alors que la majorité des militants libertaires de la région ont déjà adhéré au Parti communiste. « Plateformiste » avant l’heure, il réserve alors ses plus violentes attaques aux adversaires de l’organisation et au « renégat » André Colomer, auquel il a succédé, en août 1925, au poste de secrétaire de rédaction du Libertaire.