La solidarité internationale antifasciste

Sur l’injonction de leurs camarades espagnols [1], les anarchistes français avaient un moment accepté de mettre de côté leurs divergences. En août 1936, se crée à l’initiative de l’U.A. et de la C.G.T.-S.R. un Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la libération du prolétariat espagnol dirigé par Pierre Besnard, déjà secrétaire de la C.G.T.-S.R. et de l’A.I.T. La F.A.F. et des revues pacifistes comme La Patrie humaine ou Barrage participent également à ce rassemblement. A ce moment-là, la cause de la Révolution espagnole semble avoir réussi à réunir les anarchistes français. Mais la proposition de l’Union anarchiste d’élargir cette alliance à des secteurs non libertaires du mouvement antifasciste entraîne sa propre exclusion dès le mois d’octobre.

Les comités anarcho-syndicalistes pour la défense et la libération du prolétariat espagnol continueront de fonctionner sans l’appui de l’Union anarchiste, celle-ci préfèrant suivre au pied de la lettre les directives de la C.N.T. L’U.A. fonde ainsi, en octobre 1936, le Comité pour l’Espagne libre transformé, en novembre 1937, en Section française de la Solidarité internationale antifasciste (S.I.A.). Louis Lecoin et Nicolas Faucier seront respectivement secrétaire et trésorier de ces deux organismes. La S.I.A. comptera 15 000 adhérents en février 1939. Elle organisera l’envoi de vivres et de médicaments au profit des libertaires espagnols. Le produit des souscriptions lui permettra d’entretenir une colonie d’orphelins à LLansa non loin de la frontière française. [2] Mais les activités de la S.I.A. ne se limiteront pas à ces actions d’ordre humanitaire. Le pacifique Louis Lecoin organisera également l’expédition d’armes et de munitions à l’intention des anarchistes espagnols qui en manquaient cruellement.

Nous enverrons en Espagne jusqu’à cinq camions par semaine, de quatre à cinq tonnes chacun, pleins de linge, vêtements, denrées alimentaires, cachant les armes et les munitions, que nous nous procurerons. Gros effort de notre part ; apports insignifiants en raison des immenses besoins des révolutionnaires espagnols [3].

A partir du mois de décembre 1937, la S.I.A. occupe deux pages dans Le Libertaire [4], dont une en espagnol, qu’elle finance grâce aux souscriptions. Elle conservera cette tribune jusqu’à la parution de son propre organe hebdomadaire en novembre 1938. [5] Même si l’audience du Libertaire avait considérablement augmenté depuis le début de la guerre civile, ses lecteurs étaient toujours en grande majorité des sympathisants anarchistes et il s’agissait de toucher un public plus large. Des personnalités aussi différentes que Georges Pioch, Henri Jeanson, Marceau Pivert, Robert Louzon ou Sébastien Faure participeront à la rédaction de S.I.A. sans sectarisme. Ce journal réussit à avoir 5 500 abonnés en février 1939 et certaines éditions spéciales seront tirées à 50 000 exemplaires. Le titre a sans doute fait quelque peu concurrence au Libertaire qui voit son tirage et le nombre de ses lecteurs se réduire sensiblement à partir de 1938. Il ampute la rédaction de militants particulièrement actifs comme Louis Lecoin et Nicolas Faucier. Sa ligne politique, plus éclectique que celle du Libertaire, reste très proche de l’anarchisme de l’U.A. En effet, S.I.A. ne se contente pas d’aborder des sujets liés à la Révolution espagnole, l’hebdomadaire plaide également pour le la défense du droit d’asile ou contre le colonialisme et la guerre qui s’annonce.

On retrouve bien sûr les même préoccupations dans les colonnes du Libertaire. La situation internationale et le risque d’une nouvelle guerre mondiale conditionne même les positions du journal par rapport à la Guerre d’Espagne.

[1« Un appel de la Fédération des groupes anarchistes de langue espagnole en France à tous les révolutionnaires », Le Libertaire, n°508, 7 août 1936.

[2Le Libertaire, n°558, 8 juillet 1937.

[3Louis Lecoin, Le Cours d’une vie, op. cit., p. 154.

[4Le Libertaire, n°578, 2 décembre 1937.

[5S.I.A., n°1, 10 novembre 1938.